La vie en collectivité
Les voies de communication
Les ingénieurs romains adaptaient toujours le traçé de leurs voies au relief et à la nature du terrain. Ils reprenaient le plus souvent les anciens chemins ligures qu'ils élargissaient, mais lorsque ceux ci étaient trop pentus pour le passage des chariots, ils établissaient de nouveaux passages en se servant d'une groma.


La groma, une équerre d'arpenteur constituée de quatre fils à plomb, permettait d'effectuer des visées orthogonales et de vérifier les alignements.
Les gués, les passages étroits à flanc de colline ou les rampes étaient aménagés. Les gués étaient empierrés, parfois avec de grosses pierres creusées de profondes rainures, pour ne pas être entraînées par la force du courant. Certains gués pouvaient aussi recevoir à la saison sèche un lit de galets maçonnés à la chaux. Sur les torrents, les ponts étaient bâtis en dos d'âne pour éviter que les crues ne les emportent. On creusait aussi des ornières parallèles à la voie lorsqu'il y avait des rampes à franchir, afin que les chariots ne dérapent pas latéralement et puissent être arrêtés par des câles.
Dans les Alpes Maritimes, compte tenu du climat sec, les voies n'étaient pas entièrement pavées, mais présentaient un revêtement de petites pierres compactées, bloquées par endroits, dans les virages en côte en particulier, par des bordures de grosses pierres soigneusement taillées. Plusieurs tronçons de ces voies sont encore visibles dans leur état d'origine dans les Alpes Maritimes.


La voie romaine des Courmettes, passant sur les hauteurs du Loup
La première voie venant d'Italie traversant les Alpes Maritimes, antérieure à la conquête romaine, passait par le Col de Tende, Sospel, le vallon de Laghet, traversait le Var au gué de La Baronne, seul point de passage du fleuve à l'époque, remontait sur la Gaude, passait la Cagne puis montait sur Vence et Tourrettes, traversait le Loup, puis remontait sur Roquefort, Opio, Auribeau et l'Estérel. Les Romains reprirent ce tracé pour en faire une voie secondaire, et taillèrent dans les collines la Voie Julia Augusta, passant par Vintimille, Cap Martin, la Turbie, Cimiez. Cette voie fut ensuite prolongée par la voie Aurélia, longeant la mer par Cagnes sur Mer, Villeneuve Loubet, Antibes, Agay, Fréjus.
Plusieurs voies secondaires partaient de cette voie principale, remontant la vallée du Paillon, ou partant de Cagnes pour gagner Vence, le Col de Vence, Gréolières, Castellane, Riez et Digne. D'autres voies secondaires partaient de Tourettes pour les Courmettes et Gréolières ou de Villeneuve par la vallée du Loup pour rejoindre Le Rouret, Grasse et Peymeinade.
Les milliaires
Les voies principales étaient balisées par des milliaires, des bornes de pierre dressées tous les milles romains, d'où leur nom. Le mille romain, unité de longueur de 1481,50 mètres, correspondait à mille double pas réglementaires de légionnaire.

Les milliaires avaient plusieurs fonctions : la principale était d'indiquer aux voyageurs les distances. Par leur forme et leur hauteur, ils servaient aussi de repères visuels : à cet effet, ils étaient souvent placés sur des éminences, ou dans des endroits caractéristiques, quitte à tricher un peu avec la métrique officielle. Il est fort probable que les Romains et les Ligures romanisés de l'époque les aient utilisés aussi pour désigner les étapes : « le carrefour du milliaire VIII ou l'auberge du milliaire XX » comme on pouvait dire il n'y a pas si longtemps dans les zones peu peuplées des colonies françaises : "le café du km 80 ou le puits du km 200".
Ces milliaires, outre une numérotation croissante débutant à 0 au chef lieu de la civitas et allant jusqu'à la frontière de cette même civitas, portaient parfois une inscription en l'honneur des empereurs qui avaient construit la voie - ou qui l'avaient faite réparer. Ces hommages gravés dans la pierre pour des années confortaient le culte impérial.